DÉTAILS DE L'IMAGE
Boon Gallery
Kim Tschang-Yeul (South Korea, Maengsan 1929-2021 Seoul)
Water Drops, 1982
Oil on canvas
88 x 116 cm
Signed and dated on side
Certificate of authenticity by the Kim Tschang Yeul Estate, Paris, 2024
« Gouttes d’eau » (1982) de Kim Tschang-Yeul : la poésie de la transparence et de la mémoire
Dans le canon de l’art moderne coréen, peu d’images sont aussi silencieusement transcendantes que « Gouttes d’eau » (1982) de Kim Tschang-Yeul. À première vue, la toile paraît d’une simplicité trompeuse : des dizaines de gouttes d’eau étincelantes, rendues avec une précision presque photographique, scintillent sur une surface neutre. Mais derrière ce minimalisme apaisé se cache une profonde méditation sur le traumatisme, la mémoire et l’acte de guérison par la répétition et l’abstraction.
Un peintre de la réflexion
Kim Tschang-Yeul (1929–2021), l’un des artistes coréens les plus reconnus à l’international, a consacré plus de cinquante ans de sa vie à peindre des gouttes d’eau. Ce motif est devenu son langage à vie - un mantra pictural par lequel il a cherché à réconcilier l’histoire personnelle et la mémoire collective de la douleur. Né sous l’occupation japonaise et ayant grandi dans les ravages de la guerre de Corée, Kim appartenait à une génération marquée par la rupture. Pour lui, la goutte d’eau n’était pas seulement une image de pureté, mais un réceptacle du souvenir.
Chaque goutte de « Gouttes d’eau » est peinte avec une minutie extrême : la lumière y est diffractée avec justesse, l’ombre projetée est subtile, la matière semble suspendue dans le temps. La technique de Kim évoque à la fois la peinture à l’encre traditionnelle d’Asie orientale et le photoréalisme occidental, tout en échappant à ces deux mondes. En cela, son œuvre incarne parfaitement la modernité coréenne d’après-guerre - à la fois ouverte sur le monde et profondément enracinée dans la sensibilité méditative de sa culture.
La philosophie du vide
La série « Gouttes d’eau » exprime l’engagement spirituel de Kim envers les concepts bouddhistes et taoïstes du vide - l’idée que la réalité est fluide, impermanente et interconnectée. En peignant le même motif à l’infini, Kim transforme l’acte créatif en un rituel spirituel. La répétition n’est pas mécanique, mais méditative : chaque goutte devient un geste de conscience, une tentative de purification et d’apaisement.
Dans la version de 1982, les gouttes semblent flotter sur une surface brute donnant l’impression d’exister entre deux mondes, à la fois réels et illusoires. Cette ambiguïté subtile invite le spectateur à réfléchir sur la perception elle-même : qu’est-ce qui est solide, qu’est-ce qui est transparent, qu’est-ce qui est souvenu, et qu’est-ce qui est oublié ?
Une importance historique et une résonance universelle
Au début des années 1980, lorsque cette œuvre fut réalisée, Kim jouissait déjà d’une reconnaissance internationale, notamment à Paris, où il a vécu une grande partie de sa vie. Pourtant, « Gouttes d’eau » demeure profondément coréenne dans son esprit. Elle témoigne de la résilience d’un peuple, de la capacité à transformer la souffrance en contemplation et la fragilité en beauté.
Dans un contexte artistique dominé par le spectaculaire et le conceptuel, la fidélité de Kim à un motif humble et répétitif relevait d’un acte de résistance silencieuse. Ses gouttes d’eau invitent au silence dans un monde saturé de bruit - rappelant que la quiétude, elle aussi, peut être révolutionnaire.
Héritage
Aujourd’hui, « Gouttes d’eau » de Kim Tschang-Yeul est bien plus qu’une image : c’est une icône du modernisme coréen. Elle relie l’Orient et l’Occident, le réalisme et l’abstraction, la souffrance et la transcendance. Son importance historique réside non seulement dans la maîtrise de la technique, mais aussi dans sa conviction que l’art peut être à la fois profondément personnel et universel.
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